« Le réchauffement climatique, ça n’existe pas ! », affirment haut et fort des climatosceptiques tombés plus petit dans la potion abracadabrante. Ces derniers ratent l’occasion de se taire empêchant ainsi de nouveaux chiffres alarmants, comme cette hausse du niveau des océans entre 50 cm et 1,40 m par exemple, de trouver écho. Dommage qu’ils n’aient pas été hier au moment de la diffusion du film « Aya ».
AYA, LA PETITE FILLE AU MILIEU DU VILLAGE
Adolescente à peine sortie de l’enfance, Aya (interprétée par Marie-Josée Kokora) est une jeune fille qui mène sa vie comme bon lui semble. Entre escapes post-méridiennes au milieu des mangroves avec son amoureux Junior, balades nocturnes en solitaire au milieu des maçons qui profanent les tombes pour la bonne cause : les réenterrer plus loin, avant que les eaux ne les emportent. Car le village, Lahou-Kpanda, situé dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, est à la merci de la montée des eaux. Malgré ces ultimatums que des vagues donnent chaque jour et les difficultés de Maman (Patricia Egnabayou), la petite fille refuse de quitter son village.
TELLE MÈRE, TELLE FILLE
« Maman » et « Aya » sont effectivement mère et fille dans la vie, la vraie, celle de leur village de Lahou-Kpanda. Si tant est qu’il ait une fois existé un doute dans l’esprit des cinéphiles, réunis en conclave, pour regarder ce long-métrage à mi-chemin entre documentaire et fiction, réalisé par Simon Coulibaly Gillard, la complicité naturelle qui saute à l’écran achève de les convaincre. Entre remontrances diurnes et conseils nocturnes, les deux femmes jouent s’aiment, se haïssent, se rabibochent. Avec l’érosion des plages en fond sonore.
AU SECOURS, LAHOU-KPANDA MEURT
Ce n’est pas la première fois que Lahou-Kpanda fait la Une de l’actualité. Régulièrement mis en évidence à travers des reportages et autres éléments télévisés, le village tristement célèbre disparaît chaque jour un peu plus. Et malgré les mille et une tentatives de sauvetage.
Sauf que cette fois-ci, c’est en direct et sans trucage que cela se déroule sous nos yeux. Ou plutôt à travers ceux de la petite promeneuse.
« Elle a mis 85% d’elle-même. », raconte le réalisateur dont l’histoire d’amour avec cette localité a démarré après que sa voiture ait rendu l’âme. D’abord ébloui par ce « paradis » qu’il découvre la Nuit, il déchante très vite le lendemain matin. Quand le soleil met en lumière les cercueils éventrés, les ossements qui ne font plus de vieux os ou encore les « maisons végétales » qu’on déplace d’un village à un autre, sur une barque réquisitionnée pour l’occasion.
La beauté de cette pellicule, déjà l’une des plus belles réalisations de ce début d’année, provient du fait que chaque scène ou presque respire le naturel, les efforts sans efforts, l’urgence, etc. Et ce malgré le fait que le réalisateur communiquait le texte à ses débutantes d’actrices en français avant que son assistant Emmanuel ne les traduise en avikam ; ethnie majoritaire dans cette région des Grands Ponts.
Il y aussi l’omniprésence du réchauffement climatique qui n’est pourtant jamais nommé par ces habitants qui n’ont que leurs yeux pour pleurer, leurs bras pour s’en sortir ou encore leurs gorges, rincées par la bière, pour étouffer leur tristesse. Et enfin, il y a le jeu d’Aya, « qui a le chic pour perdre ses boucles d’oreilles ! »
Pour la petite histoire, celle « qui voulait être actrice », selon Emmanuel, a dû faire pleurer sa petite sœur, au milieu de la forêt, des fagots de bois, à la demande du réalisateur. Deux semaines plus tard, le tournage démarrait. Son jeu à elle est d’une justesse incroyable et ce malgré ces nombreux « moments évanescents » liés au fait que c’est Aya elle-même qui proposait de…dormir à l’écran. Au sortir de son réveil, il fallait donc « inventer des rêves et des cauchemars ».
C’est la seule ombre au tableau d’un film qui aurait mérité d’être par un plus grand nombre, avant sa diffusion ce dimanche 26 février 2023 dans le village de Lahou-Kpanda, notamment par des climatosceptiques qui auraient alors arrêté de dire : « Le réchauffement climatique n’existe pas ! »