« The Fabelmans » : lumières, caméras, actions
Dozilet Kpolo
Dozilet Kpolo
Tueur en séries (Amazon, Apple, HBO, Netflix, etc.), Dozilet se fait aussi souvent des films pour pouvoir ensuite en parler.

Avec 7 nominations aux Oscars, The Fabelmans, qui raconte une partie de la jeunesse de Steven Spielberg, fait partie des grands favoris.

© Universal Pictures

« Arrête de faire ton Spielberg là ! » dit-on, gestes à l’appui, en haussant la voix, à quelqu’un qui en fait un peu, ou son cinéma tout court. Comme un footballeur qui tombe plus souvent par terre qu’une feuille en période automnale.

C’est dire si le réalisateur de Les Dents de la Mer, La Liste de Schindler, Jurassic Park, pour ne citer que ceux-là, est un nom qui fait partie de la pop culture.

Mais de lui, de la naissance de son amour pour le cinéma, on en sait finalement peu. Chose qu’il a essayée de gommer dans The Fabelmans, émouvant récit semi-autobiographique. En route pour les Oscars, épisode 3 !

UNE FAMILLE PRESQUE PARFAITE

C’est pendant la période post-seconde guerre mondiale II, dans l’Arizona, que Sammy-le-petit (Mateo Zoryan) découvre le cinéma. Un soir, Mitzi (Michelle Williams, vue notamment dans Manchester by the Sea), et Burt (Paul Dano, There Will Be Blood) l’emmènent voir The Greatest Show On Earth.

Bien que traumatisé par un déraillement dans le film, le petit garçon tombe littéralement amoureux du 7ème art et décide alors d’en faire sa passion.

Mais les tensions, entre sa pianiste de mère triste et son ingénieur de père effacé, le déménagement en Californie, avec ses sœurs aussi, et l’accueil raciste de grands collégiens bêtes et méchants, qui lui demandent de « s’excuser pour avoir tué le Christ », Sammy-l’adolescent (Gabrielle LaBelle, American Gigolo), parfois perclus de doutes, peine à rester focus sur son rêve : celui de devenir réalisateur.

La tête que tu fais quand tu braques les projecteurs sur ton talent. © Universal Pictures
La tête que tu fais quand tu braques les projecteurs sur ton talent.

Jusqu’à un déclic, alerte spoiler : une rencontre du troisième type avec spoiler: Henry Ford, le réalisateur entre autres de Rio Grande.

Pour la petite histoire, c’est David Lynch qui interprète le rôle de ce faiseur de films qui entre deux bouffées de cigares accueille un futur très grand réalisateur. La boucle est bouclée.

GABRIELLE SE FAIT LA PART BELLE

« […] Ce film est très important pour lui, il parle de sa vie. C’est à propos de la vie de Steven Spielberg. Personne ne veut gâcher la vie de Steven Spielberg. Ça serait horrible. », racontait Gabrielle Labelle au micro de Konbini.

Et le moins qu’on puisse dire c’est que le jeune acteur d’à peine 20 ans a réussi.

Oui, Steven Spielberg c’est Sammy Fabelman ou plutôt Sammy Fabelman c’est Steven Spielberg. Dans le film, le plus haut fait d’armes de l’acteur « qui a passé un mois à apprendre à le connaître en lui posant le plus de questions possible » est d’avoir réussi à transmettre la passion chevillée au corps en pleine construction d’un adolescent, avec ces yeux qui brillent derrière la caméra.

Derrière la caméra ou plutôt, il y a aussi Mitzi, l’incroyable mère plus fragile qu’un vase en porcelaine capable de se briser puis la vie des autres en mille morceaux.

Et caché derrière elle, Burt. Un mari tellement en admiration devant sa femme qu’il semble n’être jamais sorti de la friendzone.

Mention spéciale aussi pour Uncle Boris (Judd Hirsch, Uncut Gems). Dynamiteur de soirées monotones, le tout sans playlist Spotify.

Et tout ce beau monde défile sous nos yeux curieux pendant 2 heures 31 ; soit la durée du film.

LUMIÈRES, CAMÉRAS, ACTIONS

Ce n’est pas le meilleur film du réalisateur né le 18 décembre 1946. Non, non. Par contre, c’est le plus personnel.

Tout au long de sa longue carrière, avec Firelight, son premier film qu’il réalise à l’âge de 17 ans, Spielberg, le vieux père, celui qui a réussi professionnellement, a distillé çà et là des éléments de sa vie personnelle.

Dans Catch If You Can, drôle de course-poursuite entre Leonardo DiCaprio et Tom Hanks. La mère extravagante et le père éteint, parents, séparés à l’écran, font penser, après coup, aux siens qui eux ont divorcé en 1964.

La beauté de The Fabelmans provient essentiellement du fait qu’à partir de son adolescence, on vit toutes les émotions par lesquelles Sammy passe comme si on y était. Avec cet enthousiasme incroyable qui dégouline de son visage pâle et pubère, quand il s’améliore à force de manipuler lumières/caméra/actions, ou encore cette colère qui l’anime quand ses proches qualifient son amour pour le cinéma de « hobby ».

Ou pis encore quand il découvre que sa mère a eu une liaison spoiler: avec le best friend de Papa.

Trio tragique. © Universal Pictures
Trio tragique.

Dommage que ce long throwback ne se déroule qu’en deux étapes : on ne voit jamais le Sammy-adulte.

On l’imagine quand à la fin Disney-esque, il quitte ces studios de cinéma, les drôles de bénédictions d’un réalisateur irascible pleines les poches, l’âme légère, à deux doigts de le faire monter au 7ème ciel.

Mais mieux vaut s’arrêter là avant que quelqu’un ne dise haut et fort : « Arrête de faire ton Spielberg là ! »

Prochaine diffusion : le 10 mai à l'Institut Français du Plateau.

facebook Tweet
Back to Top