« Il faut pardonner à ceux qui ont péché, qui (nous) ont fait du mal. », enseigne-t-on dans la religion catholique ; mais pas que.
Sauf que de la parole au geste, c’est parfois compliqué, très compliqué d’y arriver. Encore plus quand il s’agit d’un proche. Un peu comme ce borné de père, ce pauvre pêcheur allergique au sacro-saint principe de l’éducation, à cause de sa défunte femme, et sa fille encore plus têtue que lui qui refuse de continuer à faire l’école buissonnière malgré elle.
Gros plan sur The Fisherman’s Diary, drame social camerounais inspiré de faits réels.
La fille de son père
Dans ce petit village de pêcheurs, où des tanties pressées d’exposer leurs poissons fraîchement achetés, ou encore de les faire revenir dans une sauce avec tous les animaux de la mer, Ekah (interprétée par Faith Fidel) tient souvent tête à tout ce beau petit monde au grand dam de Solomon (Kang Quintus), son père.
Tout va pour le mieux dans le meilleur dans leurs mondes jusqu’au jour où l’adolescente de 12 ans, inspirée après découvert qui était Malala Yousafzai, plus jeune prix Nobel de la paix de l’histoire, décide d’en faire autant : d’emprunter le chemin de l’école ; coûte que coûte. Mais sans compter sur Lucas, (Cosson Chinepoh), son endetté d’oncle qui décide de la donner en mariage à son débiteur avec l’appui de son naïf de frère. Le début d’un long et douloureux calvaire.
Ekah ne donne pas de lait !
Dire que Ekah/Faith Fidel ne « donne pas le lait », ne blague pas, est un doux euphémisme.
Tresses sur la tête, visage encore fossilisé dans l’enfance, la petite fille haute comme trois pommes domine les débats.
Dans un tout autre registre, il y a aussi Maîtresse Bihbih (Ndamo Damarise), l’enseignante qui découvre ses talents en calcul rapide, logique et autres jeux pour amoureux des mathématiques. Le duo déséquilibré tiendra pourtant tête.
Notamment à Solomon incapable de faire horreur à son homonyme le roi Salomon, ou encore Lucas, plus roublard qu’un enfant prêt à tout pour ne pas aller à l’école.
Tout le contraire d’Ekah.
Une histoire de mariage forcé
Regarder The Fisherman’s Diary, sorti en 2020 et par ailleurs sélectionné pour la 93ème cérémonie des Oscars en 2021, c’est à la fois heureux/en colère/mal à l’aise.
Heureux de voir les petits yeux brillants d’Ekah quand elle se cultive en cachette, meurt d’envie d’apprendre.
En colère quand son père, découvrant la supercherie, la roue de coups.
Mal à l’aise, extrêmement mal à l’aise, quand son « mari » spoiler: l’agresse sexuellement.
Il fallait malheureusement que dans ce long-métrage dramatique de 2 heures 23 minute, réalisé par Enah Johnscott, les maux soient mis sur les images.
En effet, les mariages forcés dans le monde en général et en Afrique en particulier sont encore un sujet d’actualité. Ainsi, selon une étude plus ou moins récente de l’Unicef, 60% des filles dans le nord du Cameroun sont mariées de force. Et toujours selon cette organisation internationale, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, 58% des filles de moins de 15 ans auraient déjà été mariées.
Des associations telles que la Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes ont beau mener un combat acharné, le plus souvent moqué par des internautes misogynes, c’est pas demain la veille que le problème disparaîtra ou encore que certaines, à l’image d’Ekah, pourront pardonner à ceux qui ont pêché.
Disponible sur Netflix : ici.