L'art de faire du "Beef"
Dozilet Kpolo
Dozilet Kpolo
Tueur en séries (Amazon, Apple, HBO, Netflix, etc.), Dozilet se fait aussi souvent des films pour pouvoir ensuite en parler.

Disponible sur Netflix, « Beef » narre la montée crescendo d’un palabre qui a démarré sur un parking de supermarché avant de dégénérer complètement.

© Netflix

« Asseyons-nous et discutons. », dit-on en Côte d’Ivoire pour éviter les disputes. Malheureusement, cela n’a pas empêché la guerre civile, appelée aussi crise post-électorale pour les adeptes d’euphémismes, qui a officiellement 3 000 morts.

S’ils avaient vécu en Côte d’Ivoire, Amy Lau (Ali Wong, vue notamment dans Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn) et Danny Cho (Steven Yeun, Glenn dans The Walking Dead) seraient descendu de leur voiture, se seraient assis sur le parking à ciel ouvert de ce supermarché et auraient discuté. Mais au lieu de ça, ils ont alimenté/entretenu/nourri leur Beef, embrouille en VOSTFR. Asseyons-nous et parlons-en.

PALABRE TOUT SAUF STATIONNAIRE

Venu pour se faire rembourser pour la énième dans cet hypermarché, simili-Wal-Mart, Danny essuie une première déconvenue après le manque de coopération du caissier au ton condescendent. Avant un second insuccès beaucoup plus grave là.

Alors qu’il fait sa marche arrière, à bord de son vieux pick-up autre fois rouge flamboyant, dans lequel il entasse son matériel d’entrepreneur/homme-à-tout-faire pour riches banlieusards fainéants, le jeune homme coréen manque de cogner le SUV blanc de sa future meilleure ennemie Amy. Coups de klaxons.

Le palabre qui aurait pu, dû s’arrêter là se transforme en course-poursuite, avec destruction de pelouses bien taillées au passage.

L’altercation verbale qui aurait pu, dû s’arrêter là engendre un tourbillon de mauvaises décisions qui impliquent tour à tour : George (Joseph Lee, NCIS : Los Angeles), époux naïf d’Amy et artiste, Paul (Young Mazino), petit frère décérébré de Danny, incapable de se rendre compte par exemple que lui, garçon inintéressant, se fait draguer par un bot et aussi Isaac (David Choe, The Mandalorian), encombrant cousin sorti de prison mais qui a toujours le chic pour s’attirer des emmerdes.

GLENN EST MORT ! VIVE, DANNY !

Bien qu’il ait récémment été à l’affiche de Minari, drôle de comédie dramatique où une famille coréenne tente tout pour vivre des récoltes de sa ferme, Steven Yeun est d’abord et surtout connu pour son rôle de Glenn dans The Walking Dead.

Le copain de Maggie sauvagement assassiné dans la saison 7 par Negan, à coups de batte de baseball recouverte de fils barbelés. Ce jour-là, de nombreux cinéphiles étaient en PLS tellement sa mort était aussi traumatisante que celle de Robb Stark dans les Noces pourpres.

Alors depuis, tout bon cinéphile a ce petit pincement au cœur, chaque fois qu’il revoit sa bouille sur petit et/ou grand écran. Comme dans Beef.

UNE SÉRIE COMPLÈTEMENT WHAT THE PHOQUE

Faire d’un road rage, une rage au volant en VOSTFR, le point de départ d’une série jusqu’ici tout va bien. Surtout quand cela permet de mettre en lumière la crise existentielle que chacun vit de son côté.

Ainsi, pendant que Danny peine à joindre les deux bouts et aimerait que sa famille ne le considère plus comme « l’aîné qui a tout raté », Amy, elle, sent le poids de la réussite entrepreneuriale, et par conséquent de l’inévitable nécessité d’incarner la perfection auprès sa double communauté : celle de ce simili-Wisteria Lane et celle de sa famille. Ses parents lui reprochant particulièrement son détachement, son isolement, voire son embourgeoisement qui l'a selon toute apparence rendue pingre.

Mais là où la bât blesse, c’est quand la série part dans tous les sens interdits comme une voiture incontrôlable. Du catfishing d’Amy aux tentatives de vol qui tournent mal très mal, en passant par ce very bad trip à Vegas, on perd rapidement le fil de l’histoire. Et la possibilité d’un simple accrochage qui n’a même pas eu lieu puisse être à l’origine de tant de choses empêche d’avaler toutes ses boniments sereinement. C’est beaucoup trop What the Phoque pour ne pas perdre l’intérêt.

Au final, à quoi les 10 épisodes de Beef auront servi ? Est-ce une campagne contre les violences routières ? Un guide pour perdre la tête ? Ou plutôt un manuel pour s’en sortir quand tout va mal ? C’est un peu des trois mais en même temps non.

En vrai, Beef qui a pour drôle de titre français Tous Acharnés a la puissance d’un post-it jaune fluo accroché sur le réfrigérateur d’un couple en instance de divorce et/ou de colocataires fâchés à mort, avec la mention : « Asseyons-nous et discutons. »

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