Misanthrope : attrape-moi si tu peux
Dozilet Kpolo
Dozilet Kpolo
Tueur en séries (Amazon, Apple, HBO, Netflix, etc.), Dozilet se fait aussi souvent des films pour pouvoir ensuite en parler.

Disponible, il y a encore peu au cinéma, « Misanthrope » braque une lumière noire sur la traque d’un serial killer par une policière blasée.

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« Tu ne peux pas m’attraper ! », crient en courant autour de la table à manger des frères et sœurs, rabibochés en attendant le prochain petit palabre.

Policier/voleur, le jeu de la course-poursuite est quasiment un passage obligé avant de sortir de l’enfance.

Naturellement passée par cette étape-là, Eleanor (Shailene Woodley, vue notamment dans la saga Divergente), flic désabusée certes mais à l’affût du moindre petit indice, choisie par l'enquêteur spécial Lanmark (Ben Mendelsohn, terrifiant dans Animal Kingdom), pense pouvoir attraper ce tueur en cavale. Présentations.

LE DIABLE EST DANS LES DÉTAILS

Baltimore, Nouvel An. Appelée plus tôt, pour une dispute, Eleanor file ensuite sur une scène de crime : des personnes ont été froidement exécutées par un tireur embusqué.

Irrigué par une inspiration folle, son cerveau lui dicte de braquer son téléphone sur ces gens en panique qui s’échappent de l’immeuble pris pour cible, afin de les identifier par la suite. Des fois que le tueur y soit.

Il n’en faudra plus pour que Lanmark, impénétrable agent spécial du FBI, la remarque plus tard et la fasse entrer dans son équipe de choc aux côtés de Jack McKenzie (Jovan Adepo, Fences).

À eux trois, ils traquent, sans merci, un insaisissable criminel.

SHAILENE WOODLEY ET BEN MENDELSOHN, PAIRE D’AS

C'est expérience qui donne conseil. © Tous droits réservés
C'est expérience qui donne conseil.

Parce que ses apparitions sont rares malgré le retentissement à l’époque de Divergente, sorte de Hunger Games avant l’heure, revoir Shailene Woodley à l'écran est une bonne chose surtout dans un rôle aussi particulier.

Cheveux mal coiffés, absence de diplôme universitaire, plan de carrière à l’arrêt, son personnage coche toutes les cases du mauvais flic. Celui qui engloutit par exemple des donuts par deux et tourne autour de la machine à café au lieu de rendre son rapport sur deux individus qui se sont échangés des beignes pour une histoire de place de parking.

Cependant, derrière tout ça, se cache une jeune femme aux capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne ; elles-mêmes plombées par un spleen de tous les instants.

Devant Lanmark lui ouvre la voie. C’est Ben Mendelsohn donc qui interprète cet agent spécial pas si spécial que ça tant le moule dans lequel il a été fabriqué semble usé.

Et pourtant depuis qu’il a bluffé son petit monde dans Les Poings contre les murs, film dramatique où une relation père/fils naît dans un violent univers carcéral, un peu moins dans Bloodline, et cet oncle roublard qui revient après des années briser l’harmonie familiale, l’acteur australien de 54 ans - bientôt à l'affiche dans Secret Invasion - a le chic pour marquer les esprits.

Cette fois-ci, il y arrive certes un peu moins qu'à l'accoutumée parce que toute la panoplie de l’inspecteur en chef/brillant loup solitaire qui s’ouvre au final a été maintes fois étalée, mais ça reste tout de même plaisant de le voir dans Misanthrope.

Malgré tout, ce thriller reste des meilleurs dans le genre.

UN BON FILM MAIS LOIN DES CLASSIQUES

Dans la catégorie thriller policier, les classiques pour ne pas dire intouchables sont certainement : Seven, brillant et hors catégorie avec la scène du paquet cadeau livré en plein désert.

Zodiac, terrifiant de silence et de suspense, avec Jake Gyllenhaal et Robert Downey Jr en apprentis enquêteurs.

Ou encore, en dessous, bien en dessous, Prisoners, dans lequel Hugh Jackman se bat pour retrouver la trace de sa petite-fille enlevée.

Autant le dire tout de suite : Misanthrope, dont le titre original, To Catch a Killer, colle plus à la réalité, est loin de pouvoir s’asseoir à la même table que ces masterclass.

Par contre là où le réalisateur du film Damián Szifron tire son épingle du jeu c’est dans le fait d’avoir délibérément choisi l’option alter-ego pour ce duel à distance.

Éreintée par les aléas de la vie, ballottée par des luttes personnelles, Eleanor n’est plus qu’une enveloppe humaine.

Et c’est justement parce que le tueur est lui aussi un marginal qu’elle a été choisie. Eleanor c’est l’Élue qui doit combattre le Mâle par le mal parce qu’elle lui ressemble.

Et c’est ça notamment, cette double recherche d’identité, la sienne et celle de l’assassin, le processus de recherches d'informations qui semblait perdu d'avance, ou encore l’oppressant face-à-face final qui font de Misanthrope, qui dure 119 minutes, un bon film. Même quand « Tu ne peux pas m’attraper ! »

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