« Tu es disponible dimanche prochain ? », demande-t-on entre potes incapables de se voir depuis des siècles et des siècles.
Que ce soit pour prendre ne serait-ce qu’un verre, ou une nouvelle photo, que la digitalisation s’efforce de maintenir intacte comme l’amitié.
La sienne d’amitié, Toby Fleishman (Jesse Eisenberg, Mark Zuckerberg dans The Social Network), avec Libby Epstein (Lizzy Caplan, Cloverfield) et Seth Morris (Adam Brody, Mr. & Mrs. Smith) prend un coup, autant que sa vie d’ailleurs. Rencontres ce divorcé et ses very best friends.
TINDER SURPRISE, AMIS/ENNEMIS POUR LA VIE
Toby Fleishman n’a jamais eu l’intention de divorcer.
Du moins c’est ce que la voix off, omnisciente et omniprésente, laisse entendre.
Ce médecin et bon père de famille, presque trop même, est le chef de gare d’un train-train quotidien contrairement à Rachel (Claire Danes, l’incroyable Carrie Mathison dans Homeland), sa future ex-épouse, workaholic qui ne pense qu’à sa carrière et à elle. Au point de prendre la tangente et d’abandonner mari et petits garnements.
Du moins c’est ce que la voix off, omnisciente et omniprésente, laisse entendre.
Alors quand après 15 longues et pénibles années, le couple Fleishman se sépare, c’est le début d’une drôle de descente aux enfers pour l’hépatologue.
Mais avant ça, l’ex-mari, qui a la garde des deux enfants découvre les applications de rencontres et le bonheur fugace des coups d’un soir. Ceux qu’il s’empresse de raconter à Libby et Seth.
Du moins c'est que la voix off, omnisciente et omniprésente, laisse entendre.
Mais plus Fleishman Is In Trouble avance, plus les efforts pour cacher le côté sombre de sa nature s’émiettent : Toby n’est pas le parfait petit mari que toutes ces célibataires s’arrachent.
SAY HIS NAME ! EISENBERG !
Depuis qu’il a brillamment incarné le créateur de Facebook, Jesse Eisenberg est passé maître dans l’art de camper des personnages à l’air de chien battu, pourtant capable de mordre quand il le faut.
Et c’est exactement ce que l’acteur de 40 ans – il les aura le 5 octobre prochain – réussit à faire. On dirait presque Walter White alias Heisenberg dans Breaking Bad.
Face à lui, Claire Danes n’est pas mal non plus en mère égoïste jusqu’au bout des ongles. Si forte qu’on en vient à la détester. Si faible qu’on revient pour l’enlacer.
Et pendant ce temps-là, Libby, cette mère au foyer qui court derrière sa liberté d’antan, et Seth, qui lui poursuit l’amour aux bras de jeunettes aux aspirations différentes des siennes, font eux aussi leur crise.
« L’INCROYABLE DESTIN DE HAROLD CRICK » FEATURING « THE AFFAIR »
Autant le dire tout de suite : Fleishman Is In Trouble – dont le titre français est Anatomie d’un divorce - est une série à regarder absolument.
Parce que le recours à la voix off, pour raconter les déboires de ce couple qui s’est tant aimé, tant haï, puis présenter les différents angles de vue fait directement penser à L’incroyable destin de Harold Crick d’abord et ensuite The Affair.
Le premier c’est ce long-métrage sur un agent des impôts à la vie ordinaire et millimétrée qui un beau jour se retrouve au cœur d’une histoire. Sauf que personne d’autre que lui ne peut entendre cette voix off.
Le second exemple c’est cette brillante série télévisée, l’une des meilleures de ces 10 dernières années, malgré une fin bancale, sur ce romancier en manque de succès dont la vie change le jour où il rencontre une serveuse.
Tour à tour, chacun présente son point de vue et met ainsi le doute dans la tête du téléspectateur sur qui est-ce qui a séduit l’autre finalement.
Si les deux avaient un enfant, ce serait donc Fleishman Is In Trouble.
Parce que cette série sortie, l’année dernière seulement, est l’histoire de la Vie et de ses aléas (chômage, divorce, perte de confiance, etc.) qui font écho aux difficultés que d’autres rencontrent aussi. Il est plus facile de s’y retrouver naturellement.
En outre, le réalisme froid et glacial de ces histoires contemporaines, de quadragénaires en pleine crise de la quarantaine, suffit à séduire sans artifices.
Dommage que la spoiler: dédiabolisation de Rachel Fleishman/Claire Danes arrive en fin de parcours et non un peu plus tôt. Histoire de rééquilibrer les débats.
Ceux qu’on a par exemple entre amis qui ont finalement répondu à l’invitation : « Tu es disponible dimanche prochain ? »