Le Marchand de sable», quitter Abidjan pour mal dormir à Paris
Dozilet Kpolo
Dozilet Kpolo
Tueur en séries (Amazon, Apple, HBO, Netflix, etc.), Dozilet se fait aussi souvent des films pour pouvoir ensuite en parler.

Le Marchand de sable jette la lumière sur un commerce du sommeil organisé à Paris, en pleine crise post-électorale ivoirienne.

© YouTube

« Quand on t’envoie, faut savoir t’envoyer ! », aurait dit un jour ce président ivoirien à qui le Tribunal a fait une Haye d’honneur avant qu’il ne rentre triomphalement au pays, il y a un an.

Depuis lors, l’expression a été consacrée et est employée à tout bout de champs chaque fois que quelqu’un fait plus qu’il n’en faut.

Travailler plus pour gagner plus, Djo Tiéné (Moussa Mansaly, vu notamment dans Overdose), justement le fait. Mais, ce chauffeur/livreur a toutes les peines du monde à y arriver et finit par opter pour l’illégalité. Par ici, le spectacle.

UN LIVREUR LIVRÉ À LUI-MÊME

Ex-taulard, Djo vit dans l’appartement de Denise (la légendaire Naky Sy Savané, inoubliable dans Bal Poussière) avec sa fille métisse, qu’il a eue avec Aurore (Ophélie Bau), assistante sociale au trop grand cœur. Mais aussi son oncle, qui a toujours une bière à la main, Geneviève (Lindsay Karamoh, Bandes de filles), cousine fatiguée et fatigante, et une bonne demi-dizaine de personnes qui ont fui la guerre en Côte d’Ivoire.

Pour rappel, le pays a connu une guerre civile, poliment appelée « crise post-électorale », qui aurait officiellement fait 3 000 morts.

C’est dans ce contexte que Tante Félicité (Aïssa Maïga, Mon frère) débarque avec ses deux enfants sous les bras.

Forcément pour la loger, chez les Tiéné, c’est impossible.

À la merci de ce drôle de « Colonel » et de fins de mois difficiles, Djo décide du profiter du malheur de ceux qui comme sa tante fuient le pays en leur proposant des logements insalubres. Pas de quoi le féliciter.

ET MANSALY MOUSSA DANS LE FILM

Même si son rôle aurait pu être plus dans la noirceur, pousser la critique de ce marchand de sommeil jusqu’au bout du bout, Mansaly mousse, tire son épingle du jeu en VOSTFR.

Bon père de famille, monoparentale, Djo essaie tant bien que mal de donner une éducation correcte à sa fille, au milieu des adultes torse nu et des dragues. Ce n’est pas chose aisée quand en plus sa compagne, l’administration s’en mêlent.

Celle qui a trop de problèmes pour en faire autant, c’est Tante Félicité/Aïssa Maïga, mère courage qui par la force des choses devient trait d’union entre son neveu et ces demandeurs de logement dont le contingent gonfle à mesure que le film avance.

LE MARCHAND DE SABLE EST UN FILM D’ACTUALITÉS

Des drames causés ces marchands de sable, l’actualité en fait régulièrement état. Le plus tristement célèbre étant malheureusement celui du boulevard Vincent Auriol, dans le 13ème arrondissement. Cet incendie fut 17 victimes parmi lesquels...14 enfants. L’opinion publique avait alors été choquée. Mais cela, le problème du mal logement, n’avait pas pourtant été réglé.

Et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, Le Marchand de sable résonne autant. Comme un journal télévisé qui braque les projecteurs sur un problème encore et toujours d’actualité.

L’autre chose qui fait que ce long-métrage dramatique, disponible sur les plateformes de téléchargement légal (cf. iTunes Store ; vidéo à la demande), est intéressant à voir c’est dans sa capacité à mettre un ou plusieurs visages sur ces vendeurs de mauvais rêves.

Il y a Djo, mais aussi le « Colonel », avec ce drapeau ivoirien qui semble indiquer qu’il s’agit d’un déserteur, et aussi Yvan (Benoît Magimel, Nid de guêpes). Tous, ensemble, personnifient ces mal logeurs.

Ceux qui s’endorment sur leurs deux oreilles tandis que d’autres qui ont quitté Abidjan dorment mal à Paris.

Dommage que pour ce premier film, l’acteur/réalisateur ivoiro-guyanais Steve ne soit pas allé au bout de sa démarche, n’ait pas été plus violent – hormis les derniers instants – dans sa volonté de dénoncer ces escrocs.

Qu’est-il advenu de M. Yvan au final ?

Qui la justice va-t-elle poursuivre ?

Djo va-t-il reprendre le trafic ?

Autant de questions qui restent sans réponse. C’est à nous d’imaginer la suite, de faire preuve de zèle, parce que « Quand on t’envoie, faut savoir t’envoyer ! »

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