Les Nageuses : la mer à boire
Dozilet Kpolo
Dozilet Kpolo
Tueur en séries (Amazon, Apple, HBO, Netflix, etc.), Dozilet se fait aussi souvent des films pour pouvoir ensuite en parler.

Disponible sur Netflix, "Les Nageuses" porte à l’écran l’histoire vraie de deux sœurs syriennes, auteures d’une prouesse en mer.

© YouTube

« Tu sais nager, non ? », demande-t-on naturellement quand l’heure est enfin venue de faire ses bagages pour cette maison avec piscine ; réservée via un célèbre site qui met en relation clients à la recherche de bons plans et hôtes au sens de l’hospitalité.

De l’hospitalité, les sœurs Mardini en ont cherché de leur départ de la Syrie jusqu’à leur arrivée en Europe. Par ici, l’exploit.

POUR QUITTER LA SYRIE, TOUS LES MOYENS SONT BONS

Entraînées durement par leur père Ezzat Mardini (Ali Suliman, vu notamment dans Jack Ryan), l’aînée Sara (Manal Issa) et Yusra (Nathalie Issa) sont deux nageuses qui passent le plus clair de leur temps les pieds dans la piscine olympique.

De temps en temps, elles sortent le sort pour retrouver leur cousin/DJ : Nizar.

Tout se passe bien jusqu’à ce la guerre en Syrie éclate. Plus les bombes tombent, plus l’inéluctable approche : si elles veulent poursuivre et surtout accomplir leur rêve de grandeur, il leur faut quitter la Syrie.

Chose qu’elles font avec la bénédiction de leurs parents, qui les confient à Nizar.

Ensemble, le trio franchit toutes les étapes d’une immigration clandestine jusqu’à ce qu’à la Turquie et la traversée de la mer pour rejoindre l’île de Lesbos ; en Grèce.

C’est dans ces eaux où beaucoup de migrants ont malheureusement perdu leur vie, que les deux sœurs se jettent afin d’éviter que le canot rempli à ras bord ne coule. Et ce, avec la mer à boire durant trois heures.

Pour interpréter le rôle de ces deux sœurs dans la vraie vie, la réalisatrice gallo égyptienne Sally El Hosaini a eu une drôle idée.

UNE FAMILLE QUI SE ISSA AU SOMMET

Plutôt que d’aller chercher deux actrices qui auraient probablement eu toutes les peines du monde à jouer cette complicité naturelle qui saute aux yeux, cette peur qui se lit dans des yeux mouillés, elle a donné le rôle à deux jeunes femmes : les sœurs Issa.

Résultat : entre émotions et tensions, l’histoire relatée émeut/sensibilise/touche.

TOUT EST BIEN QUI FINIT (PRESQUE) BIEN

Dans un contexte actuel, marqué par les récentes tentions racistes en Tunisie, où des migrants sont régulièrement agressés, porter à l’écran une histoire de migrantes a un retentissement particulier.

En effet, plus long que La Pirogue, film dramatique avec Omar Sy où des Sénégalais tentent de rejoindre l’Espagne à bord d’un bateau de pêche, Les Nageuses mêle beauté et souffrance avec ces plans nocturnes en pleine mer, le bruit, des vagues, incapable de couvrir celui de ces cœurs qui battent la chamade, ces gorges nouées, etc.

L’autre élément qui fait de ce long-métrage de 134 minutes, c’est le fait que ce soit un focus sur cette période pas si lointaine, au cours de l'été 2015, où des Syriens ont tout fait pour rejoindre l’Europe en générale et l’Allemagne en particulier.

Plus d’un million de réfugiés y furent ainsi accueillis.

Autre élément clé : la trajectoire des sœurs.

Si Yusra, entraînée par Sven (Matthias Schweighöfer, Army Of the Dead), a brillé aux Jeux Olympiques de 2016, au sein d’une équipe uniquement composée de réfugiée, sa sœur aînée elle s’est engagée dans l’action humanitaire. Et en a payé le prix fort.

Arrêtée en 2018 puis accusée avec un de ses collègues, « d’espionnage, de trafic d’êtres humains », entre autres, la jeune femme a depuis été libérée en attendant son procès.

Concernant le film, Manal Issa/Sara a depuis dénoncé pêle-mêle : le fait que ce ne soient pas des actrices syriennes qui aient été prises, le contexte politique peu évoqué finalement et de grosses inégalités salariales.

Mais tout ceci ne doit absolument empêcher de regarder et surtout d'apprécier Les Nageuses, au terme duquel on se demande si au fond on sait vraiment nager.

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