« Par suite d’encombrement, votre correspondant ne peut être joint ! », dit mécaniquement à l’autre bout du fil une voix féminine.
Le plus souvent, il s’agit d’un problème de réseau ou du fameux passage sous le tunnel toujours imité, dans les films, mais jamais égalé.
Si vous essayez d’appeler cet ami perdu de vue qui ne jurait que par une certaine marque de téléphonie mobile, BlackBerry, il y a de fortes chances qu’il ne puisse être joint. Et pour cause, la disparition de ces téléphones intelligents est actée depuis début 2022.
Mais avant cet effondrement, il y a eu plusieurs. Plus de détails dans BlackBerry.
BLACKBERRY BIEN MORT
Entrepreneurs naïfs, Mike Lazaridis (Jay Baruchel, vu notamment Tonnerre sous les tropiques) et Doug Freign arpentent les salles de réunions de firmes qui pourraient financer leur projet fou : un téléphone-tout-en-un. Appels/mails/message ; tout ça dans le même terminal.
À force de se faire jeter comme des malpropres, leur entreprise est dans un sale état. Mais c’est le dernier des soucis de cette équipe d’amateurs de jeux vidéo et fans absolus de Star Wars.
Puis l’arrivée de Jim Balsillie (Glenn Howerton, Fargo), au sein de Research In Motion, propulse l'entreprise au sommet des sommets. Avec ce petit téléphone révolutionnaire, avec son clavier d’ordinateur notamment.
Puis, le lancement du premier appareil à la pomme les fait passer aux oubliettes.
MENTION SPÉCIALE À JAY BARUCHEL
Habitué aux rôles de grand échalas maladroit, Jay Baruchel livre ici une prestation qui change complètement l’image qu’il renvoyait jusque-là.
Dans la peau du cofondateur de RIM, il est tout simplement méconnaissable à tel point qu’il sème le doute dans la tête de cinéphiles : le patron de BlackBerry était-il vraiment un génie pointu et obtus, incapable d’anticiper la vague Apple ?
UN FILM DANS L’AIR DU TEMPS
La force de BlackBerry, l’un des meilleurs films de cette année, provient particulièrement du fait qu’il ramène efficacement à cette période, fin des années 2000/début des années 2010 où tout le monde ou presque était accroc à ces terminaux d’un autre genre.
De la lumière rouge, bien à la mode avant le Silhouette Challenge, au clic produit par le clavier physique, en passant par la messagerie instantanée BBM, tout y est ou presque.
C’est tellement bien fait qu’au terme des 2 heures du film, l’envie de s’en procurer un est de nouveau là. Paroles de BlackBerry-addict, autrefois accroc.
Sauf que de BlackBerry qui fonctionne encore sous BlackBerry OS, le système d’exploitation, il n’y a en a plus depuis que la firme canadienne a annoncé leur fin début 2022.
Les raisons de cet échec sont traitées dans le long-métrage.
Il s’agit de l’incapacité de l’entreprise, qui depuis est retournée aujourd’hui à ses premiers amours, à savoir la sécurité informatique et la sûreté des données, à se réinventer pour continuer à séduire une clientèle composée à la fois de professionnels et du grand public.
L’une des raisons pour lesquelles elle passe de plus de 50 millions d’appareils vendus en 2010 à 4 millions et des poussières en 2016 ; soit une chute de - 92% !
Certes, ce ne sont que les prémisses d’une phénoménale dégringolade dans le film mais c’est tout aussi édifiant et frappant.
Comme la ressemblance, avec cet autre film de l’année sur une marque en l’occurrence : Air Jordan.
Comme tout dans Air, BlackBerry retrace les premiers pas vers le succès d’un produit passé dans la pop culture. Le point de vue de l’intérieur, avec ces traits de caractère grossis pour les besoins du film, est tout aussi attrayant/passionnant/séduisant dans le premier comme dans le second. Sauf que l’un a survécu et l’autre, pas.
Raison pour laquelle : « Par suite d’encombrement, votre correspondant ne peut être joint ! »