« Et sinon, c’est quoi tes films préférés de cette année ? »
Que ce soient dans les dîners entre amis de longue date et/ou dans les repas où de nouvelles amitiés naissent, dans le jardin d’un hôte qui se plie en quatre pour ravir puis servir ses convives, quitte à utiliser le téléphone arabe, pour établir la connexion, certains membres de la rédaction ont eu droit à cette redoutable petite question.
Si mettre Le Monde après nous hors d’état de nuire aux cinéphiles est très vite apparu comme le bon choix, tant il est mauvais, pour le reste, la mission s’est avérée être difficultueuse que celle de remporter la Coupe d’Afrique des Nations. Bonne chance, à la Côte d’Ivoire.
Pour le menu ciné Best Of 2023 : par ici, les détails.
LA CATÉGORIE EST : NUMÉRO UNO
« PAST LIVES », LES HISTOIRES D’AMOUR FINISSENT MAL EN GÉNÉRAL
« Est-ce qu’elle flirtait avec moi ou elle était juste gentille avec moi ? », se demandent des introvertis des siècles et des siècles plus tard.
À cette question, Hae Sung (Teo Yoo, vu notamment dans Decision to Leave) avait déjà la réponse. Et des années plus tard quand il retrouve enfin Nora (Greta Lee, New Girl), son amie d’enfance qu’il n’a jamais cessée d’aimer après qu’elle soit partie aux États-Unis avec sa famille, le jeune garçon devenu adulte se confesse un peu/beaucoup/tendrement.
Mais voilà, entre temps, Nora a épousé le si peu charismatique Artur (John Magaro, Many Saints of Newark – Une histoire des Soprano). Le temps de ses retrouvailles, l’époux aimant devient la troisième roue du carrosse, l’élément de trop dans une équation à deux inconnues.
Past Lives n’est ni une histoire d’amour comme les autres, ni un ordinaire film dramatique. C’est un magnifique long-métrage, doux, mais aussi énervant et réconfortant à la fois. Alors oui, c’est une mélodie du bonheur qui file entre les doigts, une ode à l’amour, et ses non-dits dans la même lignée que le chef d’œuvre de Wong Kar-Wai : In The Mood for Love.
Et non, la fin brutale, qu’on aurait aimée différente, est un rappel à l’ordre : les histoires d’amour finissent mal en général. Alors, à quoi bon les commencer au fond ?
LA CATÉGORIE EST : CHRISTOPHER NOLAN
« OPPENHEIMER », AU NOM DU PÈRE DE LA BOMBE ATOMIQUE
Le plus grand tour de force que Christopher Nolan ait réussi avec Oppenheimer, son douzième long-métrage, après Tenet, ce n’est ni : d’avoir une nouvelle fois fait du temps le personnage principal de son film, avec trois époques différentes de la vie de ce génie mort en 2017, ni d’avoir installé une tension de tous les instants ou presque, ou encore d’avoir réussi à vulgariser puis sublimer le processus de création de la première arme de destruction massive, etc. Non, rien de tout cela.
Le plus beau dans ce long-métrage qui dure 3 heures et 19, c’est d’avoir mis en lumière puis au placard le père de la bombe atomique. Comme dans la vraie vie finalement. Histoire de boucler la boucle ou cette façon d’embarquer le téléspectateur dans un long et périlleux voyage avant de la ramener sur Terre. Brillant. Et maintenant que l’Académie donne l’oscar du meilleur acteur à Cillian Murphy. By order of the Peaky Blinders!
LA CATÉGORIE EST : FILM D’AUTEUR
« ANATOMIE D’UNE CHUTE », LA MORT TOMBE MAL
À s’y méprendre l’affiche fait penser à la cover d’un album rap, pop, au choix, une photo prise au moment lors d’une soirée un peu trop arrosée ; le genre où le lendemain d’une cuite monumentale, on a tout oublié.
Oublier, c’est sans doute ce que Sandra Voyter (Sandra Hüller) aurait aimé quand l’avocate générale la recouvre de questions et d’insinuations dans ce procès où elle est accusée d’avoir tué son mari. Comment ? En le poussant.
Au milieu de cette Anatomie d’une chute, son fils de onze ans aveugle, va devoir témoigner. Plus le procès avance, avec cette tension qui monte au sommet des sommets, plus l’enfant se pose des questions. Et si sa mère, pas exempte de tout reproche, l’avait fait ? Et si la justice l’avait déjà condamnée ?
Autant de questions pour la Palme d’Or du Festival de Cannes 2023. À voir absolument.
« THE HOLDOVERS », WINTER IS HERE
Souvent annoncé par des hommes et femmes moyenâgeux, pétrifiés à l’idée d’affronter marcheurs blancs et/ou dragons, avant d’arriver des siècles plus tard, l’hiver dans The Holdovers est là tôt. Et c’est tant mieux.
C’est sous cet épais manteau neigeux, dans un prestigieux établissement privé pour garçons que M. Hunham (Paul Giamatti, vu notamment 12 Years A Slave, N.W.A : Straight Outta Compton, Billions, etc.), Angus, élève brillant mais ô combien perturbateur, et Mary (Da’vine Joy Randolph) comblent la distance qui les sépare surtout les deux premiers ; pour devenir un improbable trio inséparable uni par la solitude.
Derrière ce quatuor magique viennent ensuite :
- Air, ou comment Nike mit Adidas à côté de ses pompes,
- BlackBerry, l’autre anatomie d’une chute, cette fois d’un géant de la téléphonie mobile,
- mais aussi, How To Blow Up A Pipeline, petit manuel pour activistes en herbe,
- et bien sûr Killers Of the Flower Moon, la prise d’Osage qui a conduit à la naissance du Federal Bureau Of Investigation,
- ou encore Rye Lane, contemporaine et confuse histoire d’amour londonienne,
- et enfin, Sira, ou l’histoire de cette promise qui fait tout pour échapper à ses geôliers de terroristes en attendant que l’amour la retrouve.
Mention spéciale aussi à deux magnifiques films afro-américains qui abordent le sujet des liens familiaux :
- Brother, frères de sons, afro-caribéens, qui vont de galère en galère
- et, A Thousand and One, la mère noire qui remporterait facilement un Questions pour une championne.
Voilà ! Maintenant, place au jeu des questions/réponses qui commencent parfois par : « Et sinon, c’est quoi tes films préférés de cette année ? »